Petite révolution au Grand Théâtre de Québec

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Le Grand Théâtre de Québec a peut-être trouvé la réponse à une question qui occupe les institutions culturelles depuis longtemps : comment renouveler son public ? Sous l’impulsion d’un nouveau directeur de la programmation, ce haut lieu de la culture s’ouvre à de nouveaux styles et à de nouveaux auditoires sans faire de compromis sur sa réputation. Zoom sur une démocratisation qui insuffle, dans ce haut lieu artistique à l’aube de sa cinquantaine, une nouvelle jeunesse.

Les mélomanes et les fanas de théâtre viennent communier depuis 1971 au Grand Théâtre, véritable temple de l’excellence artistique où l’Orchestre symphonique de la capitale, l’Opéra de Québec et la troupe du Trident ont fait leur nid. Le lieu inspire une certaine révérence, accentuée par l’austérité de ses murs de béton et de son architecture brutaliste.

Depuis un an, de nouveaux fidèles fréquentent la bâtisse, attirés par l’offre de spectacles éclatée que le nouveau directeur de la programmation, Christian Noël, s’amuse à concocter avec son complice Jean-Claude Anto.

Les fins de semaine, les enfants sortent désormais leurs parents grâce à une première série destinée aux familles. Au printemps dernier, la communauté LGBTQ+ avait son Show queer, présenté pendant deux soirs à guichets fermés. En décembre, ce sont les adeptes de « punk trad » qui profiteront de la turlute trash de Carotté, des troubadours de Neuville qui promettent une veillée des Fêtes hors norme, à mi-chemin entre La Bolduc et les Sex Pistols.

« Pour moi, c’est très important que tout le monde se sente chez lui au Grand Théâtre, souligne Christian Noël. C’est ça, le service public : peu importe que tu viennes voir Mona de Grenoble ou Alexandra Stréliski, ça t’appartient, ici. »

Aux yeux du nouveau programmateur, une semaine où l’horticultrice-humoriste Marthe Laverdière et le pianiste-en-peignoir Chilly Gonzales foulent les mêmes planches, « c’est le top ».

« Tout le monde trouve son compte, explique-t-il. Les mélomanes trippeux de culture autant que monsieur et madame Tout-le-Monde. » La rencontre de ces publics contrastés, étrangers dans leurs affinités artistiques, mais unis sous le toit du Grand Théâtre, incarne l’aboutissement de la démarche du duo à la programmation.

« Le soir, dans le hall d’entrée, le public de l’OSQ côtoie celui d’un show d’humour émergent pendant qu’un autre va voir un spectacle de chansons. C’est une partie de ma paie, ça, confie Christian Noël : rendre possible une mixité de clientèles dans un lieu où nous pourrions penser qu’il n’y en a pas. »

Au volant d’une Cadillac

Arrivé en poste début septembre 2022, l’actuel directeur de la programmation a hérité d’une maison en ordre. Son prédécesseur, Michel Côté, avait tenu la barre pendant 34 ans avant lui, hissant — et maintenant — le Grand Théâtre au rang des grandes institutions culturelles. Christian Noël s’échine, depuis, à séduire de nouveaux publics, souvent plus jeunes, sans que ce haut lieu de culture perde son âme, ni le nord.

« Prendre le relais de Michel, un gars que la totalité du milieu artistique aime, c’était peut-être un peu insécurisant, raconte Christian Noël. Je me suis dit : comment renouveler de l’intérieur ? Ce qui résume le mieux mon approche, c’est l’innovation dans le respect de la mission. »

Depuis qu’il tient le gouvernail, le navire marche à plein régime, toutes voiles dehors. Le nombre de spectacles a bondi de moitié en un an, passant de 100 à 150 — sans compter les quelque 150 ou 200 représentations supplémentaires offertes par le Trident, l’Opéra et l’OSQ.

Christian Noël déployait la même hyperactivité dans son ancienne vie. Au moment de son arrivée à la tête des Arts de la scène de Montmagny au début des années 2000, les spectacles présentés par l’organisme se comptaient sur les doigts d’une main, parfois des deux dans les années fastes. À son départ 22 ans plus tard, la programmation, dans ce patelin de 12 000 personnes, en comptait 125.

Le Studio Telus, une petite salle intimiste qui peut enfin montrer de quel bois elle se chauffe après deux ans d’aléas pandémiques, contribue au renouveau du Grand Théâtre. Avec ses 200 places bien cordées, c’est ici, dans ce parterre adjacent à un bar, que les spectacles venus du « champ gauche » trouvent leur écrin.

« Le studio permet d’amener une scène émergente qui n’aurait pas eu accès autrement au Grand Théâtre », explique Christian Noël. Aux yeux de ce dernier, l’institution du quartier Montcalm fait office de Cadillac tellement ses capacités techniques et promotionnelles restent sans égales à l’est de la Place des Arts. Aussi bien faire monter le plus de personnes à bord du bolide pour aider la culture à se rendre loin.

« Je ne suis pas Mao non plus ! »

C’est avec cette philosophie que Christian Noël multiplie les collaborations depuis un an. D’abord en tissant des liens plus serrés avec les trois résidents, l’OSQ, l’Opéra et le Trident, pour leur permettre de rêver plus grand. « Ce ne sont pas juste des locataires, ce sont des créateurs importants pour Québec et le Québec, croit-il. Nous nous sommes assis ensemble, on s’est assis ensemble et j’ai dit : “Je veux qu’une fois par année, nous travaillions ensemble sur un projet que vous n’auriez pas fait sans nous”. »

Les festivals de la capitale profitent eux aussi de la main tendue par le Grand Théâtre. Le Festival de jazz peut désormais y présenter des virtuoses du piano sous les fresques du peintre Jordi Bonet. Le festival Kwe ! a aussi investi les planches de l’institution depuis cette année. « Ç’a l’air pompeux de dire ça, mais je le vois comme une façon de rapprocher les peuples, explique Christian Noël. Quand la moitié du public d’un show de Maten est d’origine wendate ou innue, ce n’est pas rien : ils ne venaient pas au Grand Théâtre auparavant ! »

L’ADISQ reconnaît la démarche de l’institution, qui est nommée pour le Félix du diffuseur de l’année et, à deux reprises, pour le prix de la salle de spectacle de l’année, sur les cinq salles en lice.

« Notre mission, c’est de faire battre plus fort la culture à Québec, rappelle Christian Noël. Je veux que nous continuions à le faire, mais je veux aussi que les gens sentent qu’ils n’ont pas besoin de porter le veston et la cravate pour venir ici. Dans le fond, c’est la maison du peuple, le Grand Théâtre ! »

Le directeur de la programmation précise tout de suite : « Je ne suis pas Mao non plus ! Je ne crie pas “Aux champs, les intellos” ! »

N’empêche : même si elle ne se revendique pas du Grand Timonier, une petite révolution culturelle est en marche au Grand Théâtre.

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