Exposition à Grenoble: Le Musée accueille les Miró de Beaubourg

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Le Musée accueille les Miró de Beaubourg

La «Tête» donnée en 1930 au Musée de Grenoble par le galeriste Pierre Loeb.

L’exposition se voit sous-titrée «Un brasier de signes». Pour l’instant, elle mitonne cependant à feu très doux. Il y a beau avoir partout des barrières au Musée de Grenoble afin de canaliser les foules innombrables venues voir la rétrospective «Miró». Je ne vois que trois visiteurs, arrivés en même temps que moi en ce jour d’inauguration 20 avril. Nous faisons largement le poids face aux deux caissières, puisque nous n’avons pas réservé. La chose se situe après tout dans l’Isère, et non à Paris. Notez que les œuvres sont arrivées en paquet ficelé depuis la capitale. Il s’agit là d’une présentation du Centre Pompidou «hors les murs». Elles risquent de bientôt se multiplier, et c’est tant mieux. Beaubourg fermera en 2025 cinq ans pour travaux, avec un site provisoire à Massy dans l’Essone. Autant dire à Petaouchnok. M’est avis qu’il vaudra mieux prendre un TGV ou un Ouigo pour voir ses œuvres dans une vraie ville de province.

Grenoble précurseur

Joan Miró (1893-1983) se voit fortement représenté dans les collections nationales françaises. La première de ses œuvres entrée dans un musée français est cependant arrivée en 1928 à Grenoble. Il s’agissait d’un don du galeriste Pierre Loeb. Rien d’étonnant à cela. Je vous ai déjà souvent dit que l’institution, alors dirigée par le conservateur Andry-Farcy, était alors la plus moderne d’Europe avec Lódz en Pologne. Elle avait fait ses achats les plus audacieux alors que le Museum of Modern Art (MoMA) de New York n’existait même pas encore. D’où de fréquents dons d’encouragement d’artistes, de collectionneurs ou de marchands. Le Musée de Grenoble ne devait du reste pas en rester là. A «Personnage au rectangle» allait s’ajouter «Peinture (Tête)» de Joan Miró en 1930. Un double motif pour que Paris, où le premier Musée d’art moderne a ouvert en 1947 seulement, s’incline avec respect (1).

«Intérieur» de 1922: Le seul représentant de la première période, figurative, de l’artiste.

Tout le reste, c’est-à-dire dans les cent trente pièces, provient donc de Beaubourg ou de dépôts effectués en régions par le Centre (Marseille, Strasbourg, Lille, Saint-Etienne…). Cent trente, c’est bien sûr trop pour un seul endroit. Finalement petit, le musée du Centre conçu par les Italiens Richard Rogers et Renzo Piano n’en expose guère que trois ou quatre à la fois. Autant dire que certaines toiles, et encore davantage les réalisations sur papier, ne quittent jamais les réserves. Il faut préciser que tout ne se révèle pas ici de première qualité. «Il y a Miró et Miró», m’a dit naguère un grand galeriste. On ne peut à mon avis guère affirmer que la brassée de dessins et d’aquarelles donnés par l’artiste lui-même au jeune Beaubourg en 1979 (2) propose des créations immortelles. Elles datent d’un temps où le Catalan se répétait toujours plus, en exploitant un vieux stock d’idées. Notez qu’il n’était pas le seul. La trajectoire de Marc Chagall a suivi au fil des décennies la même courbe descendante. Et que dire des dernières œuvres de Salvador Dalí?

Miró signant l’une des innombrables «lithos» à la fin de sa vie. La gravure n’est pas représentée dans l’exposition.

Mais revenons à l’exposition, qui forme davantage un codicille à l’œuvre directoriale de Guy Tosato qu’un début pour son successeur Sébastien Gökalp, à peine entré en fonction. La commissaire Sophie Bernard devait refléter l’œuvre dans toute sa durée, de l’étrange figuration des débuts aux explosions abstraites de la fin. Il lui fallait le faire avec un seul ensemble, pléthorique et lacunaire en même temps. «Les origines: Montroig, la Catalogne», qui traite des années 1917-1924, se résume ainsi à une seule toile, importante il est vrai. C’est «Intérieur» de juillet 1922. La première période surréaliste, déjà abstraite, comprend certes des œuvres phares, mais pas tant que cela. C’est cependant un plaisir que de revoir «La sieste» de 1925 ou «L’addition» de la même année. Il y a là une véritable libération de la peinture, que l’émigré va bientôt rejeter en «sauvage». «Seul l’esprit pur m’intéresse», écrit ainsi l’Espagnol en 1931.

«La sieste» de 1925.

Une salle entière se retrouve vouée à la période de Varengeville-sur-Mer, qui marque le repli en Normandie à la déclaration de la guerre. C’est le temps des «Constellations», où l’artiste met au point le «style Miro». Suit le retour dans l’Espagne franquiste, où l’homme va bientôt jouer aux exilés de l’intérieur. On reste toujours très discret sur les rapports du surréaliste rentré au logis avec la dictature. L’actuelle exposition ne fait pas exception. Suit dès 1947, date du premier voyage aux Etats-Unis de Miró, la reconnaissance internationale, porteuse de juteuses commandes officielles. Leur auteur voit toujours plus grand. A l’américaine. Pour le meilleur ou pour le pire, qui se situe notamment dans les sculptures. Le meilleur se trouve en revanche dans les trois «Bleus» (la couleur des rêves, selon l’artiste) de 1962. Le Musée de Grenoble gardera une année entière ces ultimes chefs-d’œuvre acquis laborieusement par Beaubourg au fil du temps. Un don, un achat et enfin une collecte afin d’acquérir au plus haut prix celui qui était tombé dans les très élégantes mains du couturier Hubert de Givenchy.

L’un des trois «Bleus» de 1962.

La fin du parcours déçoit, mais sans surprise. Elle bénéficie pourtant du même soin apporté à l’accrochage et au décor. Ce dernier joue sur la couleur, ce qui demeure rare pour l’art moderne. Il y a ainsi dans chaque espace un mur monochrome. Du bleu bien sûr, mais aussi du jaune sable ou un rouge quelque peu éteint. Tout devant respirer, la place laissée à la sculpture reste congrue, ce qui ne me semble pas plus mal. Quelques photographies et de la documentation situent le personnage. Les salles n’étant pas suffisantes, un codicille se déploie dans une tour réservée aux arts graphiques. Que dire de l’ensemble? On a globalement vu mieux pour Miró, notamment à Beaubourg qui avait joué le grand jeu des emprunts internationaux en 2004. L’itinéraire allait alors de 1917 à 1934. Mais il y a aussi eu bien plus faible. Je pense notamment à la rétrospective qu’avait mitonnée à Lausanne la Fondation de l’Hermitage, en se focalisant sur les dernières années en 2013. Comme me l’avait dit jadis le galeriste: «Il y a Miró et Miró». On se situe donc ici entre les deux.

Une grande toile des années 1950. Elle est normalement en dépôt dans un musée de région.

(1) Je suis allé refaire un tour dans les salles modernes de l’immense Musée de Grenoble. En comparaison, Paris fait moins varié, plus conventionnel. Il y a ici représentés l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et même l’Amérique du Sud acquis dans les années 1920 et 1930.

(2) Le Centre Pompidou a ouvert ses portes en 1977.

Pratique

«Miró, un brasier de signes», Musée de Grenoble, 5, place de Lavalette, jusqu’au 21 juillet. Tél. 00334 76 63 44 44, site https://museedegrenoble.fr Ouvert tous les jours, sauf mardi, de 10h à 18h30. Le jeudi jusqu’à 21h. Pas besoin de réserver.

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