Exposition Miro à Grenoble : voyage dans une œuvre entre rêve et révolte

, Exposition Miro à Grenoble : voyage dans une œuvre entre rêve et révolte

Il voulait que ses œuvres éblouissent, rayonnent de lumière, que d’elles jaillissent les « étincelles d’or de notre âme ». Et c’est bien une forme de joie sereine, d’exaltation du bonheur de vivre qui se dégagent de son Personnage devant le soleil, délicate encre de chine et gouache sur papier de 1960. Celle-ci figure une créature la tête dans l’éther, flottant entre les astres et les étoiles. Un bonhomme, enfantin et burlesque, hébété devant la beauté de l’univers et la magie du soleil, rond rougeoyant, perché en apesanteur au-dessus de lui. L’astre est doté d’une pupille noire qui fait écho à sa propre pupille cerclée de vert. Esprit panthéiste, empreint de mysticisme, Miró, alors installé dans son bel atelier de Majorque, décrit un Homme (le microcosme) en harmonie avec l’ensemble du cosmos (le macrocosme). « Simplicité, insolente économie des formes abstraites, graphisme sommaire. Miró invente un « système de signes élaborés mais non fixés, signes mouvants ouverts » », écrit Sophie Bernard, la co-commissaire de l’exposition  « Miró. Un brasier de signes », présentée au Musée de Grenoble, jusqu’au 21 juillet 2024.

À lire aussi :

« Peintures de rêve »

Le visiteur éprouve cette même impression de calme et de sérénité devant les trois toiles Bleu de mars 1961, véritable ascèse picturale. Sur l’immense fond monochrome de Bleu II, une barrette rouge se dresse devant une ligne de points noirs cheminant au milieu de l’azur. Ces œuvres, fruit d’un long travail de maturation, ont été précédées de croquis préparatoires jetés sur des bouts de papiers avant d’être transposés à grande échelle sur la toile. « J’ai mis beaucoup de temps à les faire. Pas à les peindre, mais à les méditer. Il m’a fallu […] une très grande tension intérieure, pour arriver à un dépouillement voulu », expliquait Miró en 1961 dans les colonnes de « L’Œil ».

Vue de l'exposition « Miró. Un brasier de signes » présentée Musée de Grenoble en 2024 ©Claire Gabin / Ville de Grenoble-Musée de Grenoble

Vue de l’exposition « Miró. Un brasier de signes » présentée Musée de Grenoble en 2024 ©Claire Gabin / Ville de Grenoble-Musée de Grenoble

L’exposition du musée de Grenoble réunit plus de 130 œuvres de la collection du Musée national d’art moderne (MNAM), complétées par des prêts de la Fondation Miró de Barcelone, du Lam, du musée Cantini de Marseille et des musées d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne et de Strasbourg. Elle couvre toute l’œuvre de Miro depuis ses premières peintures dites « détaillistes », scènes réalistes et paysannes exécutées à Montroig (Catalogne) dans les années 1910, en passant par ses « peintures de rêve » inaugurant une langue nouvelle, réalisées à Paris dans les années 1920, ses « peintures sauvages » des années 1930, influencées par l’esthétique de Georges bataille et d’André Masson.

Joan Miró, Étoile, nichons, escargot, soleil, comète, palpitation de la chair, 11 novembre 1937 © Successió Miró / ADAGP, Paris 2024 © RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian / Centre Pompidou, MNAM

Joan Miró, Étoile, nichons, escargot, soleil, comète, palpitation de la chair, 11 novembre 1937 © Successió Miró / ADAGP, Paris 2024 © RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian / Centre Pompidou, MNAM

Jusqu’à ses œuvres des années 1960 et 1970 à Majorque, d’une extraordinaire fécondité, qui sont très bien représentées dans les collections du MNAM. « Miró. Un brasier de signes », expression empruntée à son biographe, le poète Jacques Dupin, faisant référence au langage stellaire et volcanique du peintre, témoigne de l’étonnante capacité d’invention et de renouvellement de l’artiste.

Vue de l'exposition « Miró. Un brasier de signes » présentée Musée de Grenoble en 2024 ©Claire Gabin / Ville de Grenoble-Musée de Grenoble

Vue de l’exposition « Miró. Un brasier de signes » présentée Musée de Grenoble en 2024 ©Claire Gabin / Ville de Grenoble-Musée de Grenoble

Élans dionysiaques

Elle témoigne aussi du tiraillement, du mouvement de balancier de l’homme, et des contradictions qui traversent et irriguent toute son œuvre. Balançant sans cesse entre une chose et son contraire, Joan Miró est le roi de la dialectique. Cet être plein de douceur et d’une grande discrétion est aussi un révolté, un anticonformiste désireux de dynamiter les conventions et les académies. Un homme chez lequel la candeur voisine avec la cruauté, l’extase avec l’angoisse. Un mystique qui s’abandonne volontiers à ses élans dionysiaques dans des œuvres à l’érotisme latent.

Joan Miró, Personnages devant le soleil, 1963 © Successió Miró / ADAGP, Paris 2024 © RMN-Grand Palais / image, Centre Pompidou, MNAM

Joan Miró, Personnages devant le soleil, 1963 © Successió Miró / ADAGP, Paris 2024 © RMN-Grand Palais / image, Centre Pompidou, MNAM

« Que le monde enfantin, onirique, primitif et innocent qu’on lui connaît constitue un aspect majeur de son œuvre n’exclut nullement la force que possède son avers, à savoir le tourment et « la sainte inquiétude », une part « plus sombre, plus obscurément métaphysique », démontre Sophie Bernard dans son très bel essai intitulé Le langage d’Eros. La toile onirique et dépouillée La Sieste, Montroig de 1925, figurant une femme-cerf-volant et un nuage noir parodiant un gribouillis enfantin, sur un fond bleu diaphane et délavé, appartient à un univers très éloigné de celui du Personnage, figure ubuesque, grotesque, au sexe et aux bras dressés et aux couleurs stridentes, pastel sur velours de 1934.

Vue de l'exposition « Miró. Un brasier de signes » présentée Musée de Grenoble en 2024 ©Claire Gabin / Ville de Grenoble-Musée de Grenoble

Vue de l’exposition « Miró. Un brasier de signes » présentée Musée de Grenoble en 2024 ©Claire Gabin / Ville de Grenoble-Musée de Grenoble

Nourri des écrits de Michel Leiris et de l’esprit de transgression de Georges Bataille, Joan Miró interroge les tabous que sont la mort et la sexualité. À partir du milieu des années 1920, les signes érotiques se font de plus en plus présents dans ses toiles, qui, dans les années 1930, se truffent de baisers, d’étreintes, de symboles renvoyant au sexe féminin et de dessins d’accouplement. La famille de 1924 montre une figure maternelle – mi fleur, mi femme – au sexe béant en forme de bulbe constellé de racines.

Joan Miró, Silence, 17 mai 1968 9 © Successió Miró / ADAGP, Paris 2024 © RMN-Grand Palais/ Bertrand Prévost / Centre Pompidou, MNAM

Joan Miró, Silence, 17 mai 1968 9 © Successió Miró / ADAGP, Paris 2024 © RMN-Grand Palais/ Bertrand Prévost / Centre Pompidou, MNAM

Dans son ouvrage L’Érotisme, publié en 1957, Georges Bataille décrit le désir sexuel comme « une rage qui brusquement s’empare d’un être ». C’est cette rage, cette conjugaison d’une violence physique et d’une ardeur mystique, que révèle Femme (1978), sorte de déesse mère, faite d’éclaboussures et de tâches d’encre, empruntant à l’art de Pollock, et dont le sexe est réduit à un trait de peinture rouge. « Le langage d’Eros, ou l’amour comme splendide sujet de révolte. La force subversive de l’imaginaire érotique permet à Miró d’exprimer son mépris des conventions », pointent les co-commissaires Aurélie Verdier et Sophie Bernard.

« Miró. Un brasier de signes »
Musée de Grenoble.
Jusqu’au 21 juillet 2024


L’article original a été reconstitué du mieux possible. Pour émettre des remarques sur ce post concernant le sujet « Grenoble en grand » veuillez utiliser les contacts affichés sur notre site. Le site grenoble-giant.org est fait pour créer différents articles autour du thème Grenoble en grand développées sur la toile. grenoble-giant.org vous a reproduit cet article qui débat du sujet « Grenoble en grand ». Il est prévu divers développements autour du sujet « Grenoble en grand » dans peu de temps, on vous incite à visiter notre site plusieurs fois.