« Virevoltant », « un super mec »… Ange Capuozzo, le « phénomène » italien vu par son ancien club de Grenoble

« Il nous reste deux huitièmes de finale, on est outsiders », avait annoncé Ange Capuozzo après la large victoire de l’Italie contre l’Uruguay (38-17), le 20 septembre dernier. Force est de constater que les Transalpins sont passés à côté de leur première opportunité, concassés par une Nouvelle-Zélande en démonstration (96-17), le 29 septembre dernier. Pourtant, malgré l’ampleur du score, rien n’est encore joué dans cette poule A et les Italiens ont encore une chance d’atteindre les quarts de finale d’un Mondial pour la première fois de leur histoire. 

Pour cela, la mission est « simple » : il leur suffit de battre le XV de France. Sauf scénario improbable lié aux bonus, un succès par n’importe quelle marge suffira au bonheur des coéquipiers de Michele Lamaro. Oui, mais voilà, après l’Everest néo-zélandais – ils n’ont jamais battu les hommes en noir en 16 tentatives -, c’est la montagne Bleue qui se dresse devant les Azzurri. Les tricolores n’ont jamais perdu contre leurs voisins depuis l’arrivée de Fabien Galthié aux manettes (le dernier revers remonte à un soir de février 2013). 

Pas de quoi, pour autant, décourager une équipe métamorphosée depuis l’affirmation d’une nouvelle génération talentueuse, dont Ange Capuozzo est l’une des têtes d’affiche. Le polyvalent trois-quart aux appuis électriques est d’ailleurs l’un des seuls à s’être mis en évidence lors de la claque contre les All Blacks, avec notamment un essai marqué après un joli plongeon. « Il a toujours eu cet instinct d’être très décisif. Les Italiens ont pris une immense rouste, mais il n’empêche que c’est lui qui a allumé la petite étincelle. Oui, il a la réussite de se trouver au bon endroit au bon moment, en bout de ligne. Mais c’est lui qui marque, sur une finition loin d’être simple », analyse Lionel Enselmoz, assistant des Espoirs du FC Grenoble, qui l’a connu lors de sa formation du côté du Stade des Alpes. 

Replacé à l’arrière contre l’équipe de France, celui qui évolue au Stade Toulousain depuis l’été 2022 va encore devoir réussir des exploits (10 essais en 15 sélections) pour permettre aux siens de réaliser une improbable prouesse contre les Bleus. « C’est un joueur qui marque, dans tous les sens du terme », confirme l’entraîneur, qui s’occupe également des trois-quarts de l’effectif professionnel du FCG. « Quand vous le voyez jouer, que vous soyez spectateurs ou sur le terrain, il marque. Il ne laisse pas indifférent. Il y a des choses qu’il fait que vous ne voyiez pas chez d’autres, des trucs pour lesquels vous vous dites, si vous avez payé l’entrée, que vous avez bien fait », ajoute-t-il avec un grand sourire. 

Deuxième meilleur d’essais en PRO D2 (championnat de France de 2e division) la saison passée, Karim Qadiri ne dit pas autre chose. « C’est un super joueur. Sur le terrain, malgré son gabarit, on ne voit pas trop la différence avec quelqu’un d’autre. Il est vaillant, il ne va pas se cacher. Et ensuite, techniquement, il est très à l’aise pour faire jouer après lui, trouver les décalages. Il a cette faculté à sentir les bons coups, c’est pour ça qu’il marque beaucoup d’essais. Il est souvent bien placé », déclare l’ailier du FC Grenoble à TF1Info. « Et après, on voit tout ce qu’il se passe à la télé », plaisante celui qui a fréquenté Ange Capuozzo pendant deux ans en club, tissant une amitié qui persiste toujours aujourd’hui. 

Formé en Isère, à l’US Deux Ponts, Ange Capuozzo a toujours été plus vite que la musique. Rapidement repéré pour ses qualités d’explosivité, il rejoint le grand club de la région, le FC Grenoble, dans la catégorie des moins de 12 ans. Il y effectue ensuite l’ensemble de son cursus. « Il a toujours été très doué. C’était un petit phénomène : format de poche, très explosif, qui pue le rugby, très rapide et remarqué avec son casque », décrit Lionel Enselmoz. Déjà très jeune, il était un « joueur à suivre, avec des qualités un peu spéciales (très virevoltant, très rapide, très chaloupé) qu’il a conservé », souligne-t-il.

Formé au poste de demi de mêlée, l’insaisissable joueur de poche (1m77, 70 kilos), se fixe ensuite sur le triangle arrière. « Ce n’est pas qu’il n’aurait pas percé en 9 (chiffre qui désigne le demi de mêlée en rugby) mais il était un peu bridé », juge son ancien formateur. « C’est un garçon qui a besoin d’espaces, de liberté. Ça lui arrivait de faire valoir ses points forts, mais on sentait qu’il y en avait encore sous la pédale et que ce poste-là l’enfermait un petit peu », continue-t-il. « Le déclic ? C’est très très simple : vous le mettez, il traverse le terrain. C’est facile parfois le rugby », lâche le technicien, hilare. 

Au-delà de ses qualités évidentes, le natif de Pont-de-Claix (Isère) doit lutter pour se faire une place dans un sport qui fait la part belle aux colosses. « C’est lui qui a rendu sa progression linéaire. Il a eu des déclics de plus en plus rapides. Tout le monde travaille beaucoup. Je pense que lui, il intègre très vite. Très rapidement, il a compris comment se protéger, comment jouer des situations et se les rendre favorables par rapport à des forts gabarits », explique son ancien entraîneur. « De base, il ne partait peut-être pas avec les mêmes chances que les autres, parce que petit, parce que plus fin. Dans le rugby d’aujourd’hui, on a tendance à mettre l’accent sur le physique. Il a très vite comblé ce déficit par son travail, sa force de caractère », abonde Karim Qadiri.

Ange Capuozzo bénéficie certes d’un contexte favorable au FC Grenoble, où il a grandi dans l’ombre du Sud-africain Gio Aplon, un autre « petit gabarit, très pepsé ». « Il y a une sorte de généalogie. Il était sous les yeux de Capuozzo. Il a ensuite pris la relève, ça fait en tout cas un peu penser à ça », reconnaît Lionel Enselmoz. « Peut-être que, nous aussi, inconsciemment, on ne voit plus les petits gabarits de la même façon. Peut-être que, nous aussi, on a sans doute changé notre spectre », met-il encore en avant. 

Mais c’est surtout par ses qualités humaines qu’il parvient à faire son trou, sans oublier d’où il est parti. « C’est un garçon travailleur, intelligent, attachant, qui est facile à entraîner », confirme celui qui est membre du staff du FCG depuis de longues années. « Il n’a pas changé, il garde la tête froide. Il y a une vraie espèce de « capuozzo mania ». Je connais pleins de garçons qui se seraient sûrement un peu perdus là-dedans. Et lui, au contraire, ça lui donne de l’énergie et de la confiance », estime-t-il encore. « C’est un super mec, quelqu’un sur qui on peut compter. Il accorde beaucoup d’importance aux gens qu’il aime », souffle, de son côté, Karim Qadiri, qui croise de temps en temps le principal intéressé lorsque celui-ci est de passage du côté du Stade des Alpes pour assister à des entraînements ou des matchs de son ancien club. 

Ce caractère – entre facilité à s’intégrer et capacité à se mettre au niveau quel que soit le niveau – a sans aucun doute contribué à faciliter les débuts du Toulousain avec la Squadra Azzurra. Non content de marquer un doublé en quelques minutes lors de sa première cape, il s’est fendu d’une percée déjà légendaire en fin de match contre le pays de Galles, en 2022, pour offrir un essai d’anthologie à son coéquipier Edoardo Padovani. Une action d’éclat mettant fin à… 36 matchs consécutifs sans victoire pour l’Italie dans le Tournoi des Six Nations. 

En plus, l’arrière-ailier n’est déjà plus qu’à quelques longueurs d’intégrer le top 10 des meilleurs réalisateurs de l’histoire de sa sélection (Sergio Parisse et Ivan Francescato se partagent la neuvième place avec 16 réalisations). Élu révélation de l’année 2022 par la fédération internationale de rugby, il est d’ores et déjà parti pour marquer l’histoire de son pays. De là à envisager le voir porter les siens jusqu’à une invraisemblable victoire contre la France, qui bouterait les Bleus hors de la compétition ? C’est sans doute encore un peu tôt. « Vendredi, la France va en mettre 50 », prévient d’ailleurs son ancien coach. Charge à Ange Capuozzo de déjouer (encore) les pronostics.