La salle de l’Ampère à Grenoble (Isère) est réservée ce mercredi soir, pas pour un concert mais pour une conférence débat autour du trafic de drogue. La salle est comble, une partie du public reste debout, l’autre se réfugie sur le balcon ou certains s’assoient par terre. Environ 150 personnes réunies à l’appel du comité de quartier Berriat et avec le soutien du comité de liaison des quartiers. Au coeur de la discussion, la situation Saint-Bruno.
« Une violence inimaginable »
Cet endroit situé dans le centre-ville de Grenoble, à quelques centaines de mètres de la gare, a défrayé la chronique plusieurs fois ces dernières années. Récemment, fin août, une fusillade a éclaté en pleine journée un week-end, s’en est suivi le déploiement exceptionnel de forces de l’ordre en masse. Finalement, les renforts sont restés pendant plusieurs semaines, mais d’après les habitants le dispositif s’est récemment allégé et « le trafic reprend », comme le confie Louis.
« Ce qui s’est dégradé ces dernières années c’est la guerre des gangs », abonde cet habitant qui vit sur la place Saint-Bruno depuis 20 ans. Dans les rues, il décrit une situation où il y a des vagues de violence. « On a atteint un point très fort cet été avec des gens déguisés et avec des kalachnikovs qui vont intimider d’autres personnes dans un bar, se souvient-il. Lorsqu’il y a une mise en place de barricades sur les quatre coins de la place et que les policiers ne peuvent pas intervenir, là on atteint un degré de violence inimaginable. » Un témoignage parmi tant d’autres ce soir.
L’espoir de trouver des solutions
Les commerçants décrivent aussi une situation tendue, où le dialogue est difficile avec les trafiquants. « C’est toute l’économie d’un point de deal, les guetteurs, les ravitailleurs qui viennent récupérer de l’argent sur le trottoir ou encore les recadrages aussi », explique ce chef d’entreprise. Sa santé mentale en a pris un coup, il vit très mal les cris quotidiens, la tension dans le quartier. « Si ça continue, on ne restera pas très longtemps place Saint-Bruno », glisse-t-il.
Dans ce décor compliqué au quotidien, les habitants restent motivés. Ils sont nombreux à confier vouloir rester, et faire face à la situation. « On est dans une cohabitation difficile, mais ce n’est pas comparable à d’autres quartiers plus difficiles, la place Saint-Bruno demeure un espace public ouvert à tous, » affirme Bruno de Lescure, président du comité de quartier Berriat. Il mise sur la force des habitants pour réussir à mettre fin à cette situation. Le criminologue et directeur de recherche au CNRS, Sébastian Rocher, a pu répondre pendant près de deux heures aux questions du public.
D’après différentes recherches, il mise sur un travail conjoint des travailleurs sociaux, des médecins, des habitants, des policiers et des magistrats pour mettre fin aux « marchés de la drogue à ciel ouvert ». Il fustige également les méthodes actuelles de lutte contre la drogue, d’après ce chercheur il s’agit plutôt de positions politiques. « Les responsables politiques sont indignés mais ils ne donnent pas les ressources pour mettre au point des actions dont on sait qu’elles vont résoudre les problèmes », développe ce criminologue. Dans la salle, le public a salué avec des applaudissements leurs discussions, et tous attendent de retrouver la place Saint-Bruno apaisée qu’ils ont connu.
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