Inceste : 27 000 témoignages recueillis en deux ans, dont certains à Grenoble, lors d’une réunion publique

Dans la salle l’émotion est palpable. Sur deux grands panneaux on peut lire : « vous n’êtes plus seul.e.s, on vous croit ». Quatre membres de la Ciivise, dont le président Édouard Durand, magistrat de profession, font face à une assemblée majoritairement composée de femmes de tous âges. Les mains se lèvent, le micro circule et la parole se libère. Cette jeune femme a été violée par un proche : « Aujourd’hui, j’ai 31 ans et je voudrais être maman. Mais j’ai du mal à me trouver en présence de petits enfants nus, alors que je sais que je ne leur ferai jamais de mal. J’ai encore l’impression de ne pas être normale »

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Émotion et colère

Rachel, violée par son père, n’a pas parlé pendant des années. Elle a suivi une thérapie, s’est reconstruite, son père a été jugé. Mais elle est en colère car elle trouve que les choses ne vont pas assez vite et elle lance, avec rage : « Eh, les gars ! faut y aller, là ! Faut envoyer les pieds ! Faut arrêter de pleurer ! » Interrompue par un tonnerre d’applaudissements, elle crie : « Non, non, arrêtez ! C’est pas possible d’entendre aujourd’hui en France, au XXe siècle, encore des témoignages comme ça ! »

Les membres de la Ciivise écoutent, remercient chaque intervenant.e. Et de temps en temps, Édouard Durand, le président, prend la parole d’une voix douce. il prône une justice plus impérative : « Parmi nos préconisations, on demande à ce que la justice retire systématiquement l’autorité parentale au parent condamné pour inceste. »

Durant plus de deux heures, les prises de parole de victimes se sont succédées dans une ambiance chargée d'émotion
Durant plus de deux heures, les prises de parole de victimes se sont succédées dans une ambiance chargée d’émotion © Radio FranceVéronique Pueyo

La justice pas toujours à la hauteur

Amaury a été un des rares hommes à prendre la parole. Il a été violé par son oncle, quand il était enfant, tout comme ses cousins. Il y a 10 ans, après avoir vécu une amnésie traumatique, tout lui est revenu en mémoire. Mais le chemin vers un procès est très long, son dossier s’est perdu plusieurs fois : « Mon oncle a tout reconnu. Il a été jugé pour le viol de mes cousins. Aujourd’hui, il est libre, il a une belle vie et moi, j’attends toujours mon procès. » Il a du mal à retenir ses larmes : « Heureusement, j’ai rencontré ma femme, elle me soutient, on a un petit garçon ensemble. Mais malgré tout, c’est très dur!« 

L’inceste se transmet : il faut briser ce cercle infernal

Une jeune femme violée par son grand-père maternel a dénoncé les faits quand elle a eu 15 ans : « On m’a crue, il a été jugé. Mais quand j’ai parlé, ma mère, qui souffrait d’une amnésie traumatique, s’est alors rappelée qu’elle aussi avait été violée par son père. On avait été donc violées par le même homme. L’inceste se transmet et il faut stopper ça ! Ma mère est aujourd’hui détruite car à cause de la prescription, elle n’a pas pu avoir de procès. Il faut supprimer la prescription dans le cas des crimes sexuels sur des enfants, car on sait qu’ils mettent du temps à parler ! »

L’avocate d’une femme, présente dans la salle, prend la parole : « Moi, maintenant, je ne conseille plus à mes clientes de déposer plainte. Car cela se retourne contre elles. Récemment, lors d’une séparation, ma cliente s’aperçoit que sa fille est agressée par son ex-compagnon, père de l’enfant. Elle porte plainte, la justice l’accuse d’aliénation parentale. Son enfant est placée en terrain neutre, c’est-à-dire dans un foyer et le père peut continuer à voir sa fille » La salle s’indigne. On apprend à cette occasion qu’une association de parents protecteurs, comme ils se nomment eux-mêmes, vient d’ailleurs de se créer.

La Ciivise, dont fait partie la Grenobloise Eva Thomas, qui a créé SOS Inceste dans les années 80, réclame également de continuer sa mission alors que l’incertitude plane sur son maintien après 2023.

En France, chaque année, 160.000 enfants subissent des violences sexuelles, le plus souvent au sein de leur entourage familial. Le gouvernement a lancé la semaine dernière une campagne de communication pour briser le silence qui entoure encore le tabou de l’inceste. Le 119 est le numéro national d’appel d’urgence gratuit et confidentiel.

Les numéros gratuits pour l'enfance en danger.
Les numéros gratuits pour l’enfance en danger. © Radio France

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