
Un des dessins de la série semi-abstraite sur «Tonicoda». De l’herbe…
Succession Cy Twombly, Musée de Grenoble 2023.
C’est un événement national qui a lieu en province. Pardon, en régions puisque nous sommes à l’ère du discours lénifiant. Certains se seraient attendus à ce que l’exposition «Cy Twombly, œuvres sur papier 1973-1977» ait lieu à Beaubourg. C’était oublier que le Musée de Grenoble fait tout avant tout le monde dans un pays prenant souvent du retard avec la création étrangère. L’institution a ainsi acquis son premier Twombly en 1975, à une époque où les prix du peintre américain comprenaient moins de zéros qu’aujourd’hui (1). Il existe des dettes de reconnaissance. C’est donc le chef-lieu de l’Isère que la Fondation Twombly a choisi pour livrer une rétrospective exemplaire. Le Kunstmuseum de Bâle entretient les mêmes rapports avec les héritiers de ceux qu’il a découverts en primeur. Ceux de Barnett Newman, par exemple… (2)
Renaissance à Rome
Vous voyez qui est l’artiste, ou dois-je vous refaire l’article? Entre les deux? Je vais donc me contenter cette fois d’un résumé. Twombly est né en 1928 dans un de ces trous dont l’Amérique profonde garde le secret. C’était à Lexington en Virginie. 7456 habitants en 2021. Moins sans doute quand l’heureux événement s’est produit en 1928. Dès 1949, le jeune homme s’est donc débrouillé pour se retrouver à New York. Lié à Robert Rauschenberg, il a alors rencontré tout ce qui comptait aux Etats-Unis dans les domaines des arts plastiques et de la danse. Sa vie a cependant changé quand il a atterri en Italie, où le débutant passera la plus grande partie de sa vie. Rome constituait alors un creuset culturel comme New York, références classiques en plus. Même si la peinture de Cy peut ressembler à du gribouillis d’enfant, elle ne cessera par la suite de citer Homère, Virgile ou Goethe voyageant dans la Péninsule.

Cy Twombly âgé. Il est mort en 2011.
Keystone.
Marié dès 1958 à une baronne Franchetti, de la famille des grands mécènes vénitiens, Twombly a passé son temps entre un palais romain et un château à restaurer à Bassano in Teverina. Autant dire qu’il s’est intégré, même s’il lui est arrivé de fréquenter les îles grecques ou d’opérer des retours aux sources à Lexington à partir de 1993. De 1973 à 1977, l’homme a cependant quasi cessé de peindre. Huit toiles à peine en cinq ans. Il a donné à leur place des dessins de grande taille (souvent un bon mètre de large) et des maquettes pour la gravure. C’est à cette courte période que s’intéresse la rétrospective montée par Sophie Bernard, Jonas Storsve et Guy Tosatto, directeur du Musée de Grenoble depuis 2002. Signalons à ce propos que Tosatto partira à la retraite le 31 décembre, et que la personne appelée à lui succéder devra composer avec le maire écologiste Eric Piolle. La chose s’annonce difficile. L’écologie n’adoucit pas toujours les mœurs, surtout politiques… Les Verts n’apprécient guère la culture, perçue comme frivole à l’heure actuelle.

L’affiche de l’exposition.
Musée de Grenoble, 2023.
Mais revenons à Cy Twombly. L’homme a alors donné plusieurs séries de grandes feuilles. 1973 restera ainsi l’année de ses «Virgile» et surtout de ses «Tonicoda» (ce sont ces dernières que je préfère). Il passera ensuite à des «Dédicaces» allant de Paul Valéry à John Keats. «Captiva Island» précédera en 1974 une «Histoire naturelle» où l’Américain se confrontera avant tout aux champignons. Cet ensemble va donner lieu à un livre mycologique publié à Zurich. Suivront, dans une exposition couvrant tout de même onze salles, des «Allusions» mythologiques ou des poètes latins et grecs. Le parcours se terminera en compagnie d’«Idylles», de «Dithyrambes» ou de «Bacchanales», quand Twombly n’illustrera pas un obscur poète élisabéthain. Avec lui nous ne sommes pas dans la poudre aux yeux destinée aux «golden-boys» ayant trop de fric à claquer (à Art/Basel», par exemple). Il s’agit d’une approche très intellectuelle, très référentielle, très réfléchie de la création plastique.

Guy Tosatto, qui est sur son départ.
Musée de Grenoble, 2023.
Dans des salles si climatisées qu’elles pourraient simultanément servir de réfrigérateurs, le parcours s’accomplit en toute simplicité devant des murs blancs. Nous sommes en théorie sous la lumière du Sud. L’artiste demeure encore en pleine forme, alors que sa cote commerciale peine à monter vers 1975. Pas assez américain. Ou alors trop. Notez que je viens de voir deux dessins de Twombly de cette époque au MCB-a de Lausanne, auquel ils sont promis. A Genève, Jacques Benador avait déjà compris l’importance d’un créateur encore peu pris au sérieux. Le gros de la troupe est bien sûr fourni à Grenoble par la fondation perpétuant la mémoire de l’artiste, mort à Rome en 2011. Mais il s’en trouve aussi en France, notamment à la Fondation Lambert d’Avignon. Cette dernière a proposé une exposition sur le Twombly de la fin en 2007. Monumentale, mais décevante. C’est pour moi l’occasion de dire que l’artiste n’a pas très bien fini, avec notamment un gigantesque plafond au Louvre en 2010. Le cas ne reste pas isolé parmi les grands noms américains des années 1950 et 1960. Pensez à ce que produit en ce moment un Frank Stella!
(1) Une de ses toiles de la bonne époque a atteint 70,5 millions de dollars en 2015.
(2) Le Kunsthaus de Zurich a développé d’excellents rapports avec Twombly lui-même, d’où un imposant ensemble de ses sculptures toutes blanches dans les salles.
Pratique
«Cy Twombly», Œuvres sur papier 1973-1977», Musée de Grenoble, 5, place de Lavalette, Grenoble, jusqu’au 24 septembre. Tél. 00334 76 63 44 44, site www.museedegrenoble.fr Ouvert tous les jours, sauf mardi, de 10h à 18h30. Le Musée de Grenoble a récemment reçu en pension le beau «La bénédiction de saint Jean-Baptiste par Zacharie» du Provençal Raynaud Levieux (1613-1699). La toile provient du Musée de l’Assistance publique parisien, aujourd’hui démembré. Un prêt de cinq ans renouvelable cinq fois. L’éternité, quoi!
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– Le Musée montre les dessins de Cy Twombly
L’institution provinciale avait été la première en France à s’intéresser à l’Américain de Rome. La fondation dédiée à sa mémoire a beaucoup prêté.