Crise de la noix de Grenoble : « des prix inacceptables, certains arrêtent carrément le métier »

Pour mieux peser sur les pouvoirs publics ou la grande distribution, 200 producteurs se sont réunis hier à Chatte en Isère pour créer une association de défense de la noix, AOP Grenoble ou pas. Christian Nagearaffe, producteur de noix à Montmiral dans le nord Drôme, membre du conseil d’administration du comité interprofessionnel de la noix de Grenoble, a participé à la réunion. Il était invité de France Bleu Drôme Ardèche ce mercredi matin.

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France Bleu Drôme Ardèche – Pourquoi la situation est-elle si difficile pour les producteurs ?

Christian Nagearaffe – En fait, ça dure un petit peu parce que la précédente récolte 2022. On a eu énormément de mal à écouler notre récolte qui a été vraiment exceptionnelle. Il faut savoir qu’en moyenne, on fait maximum 12 000 tonnes de noix aux noix de Grenoble. Là, on a fait plus de 16 500 tonnes. Et puis il y a toutes les noix à côté qui ne sont pas en appellation. Donc au niveau français, on est plutôt sur 57 000 tonnes au lieu des 40 000 tonnes maximum.

Pourquoi vous n’arrivez pas à écouler vos stock ?

En fait, on a une production mondiale qui augmente. Il faut savoir qu’en 18 ans, la production mondiale a été multipliée par trois. Donc on est dans un monde de plus en plus concurrentiel sur ce produit. De notre côté, c’est vrai que les gens mangent plus des cerneaux ou des produits transformés et un peu moins de noix en coque. Notre appellation est sur la noix en coque. Donc c’est vrai qu’on avait des ventes qui s’érodaient un petit peu, mais notre production progressait pas. Donc voilà on continuait comme ça. Et bon an mal an, ça allait bien.

Vous n’avez pas su vous adapter à la concurrence qui est arrivée ? Vous ne l’avez pas vu venir ?

Alors ce n’est pas qu’on l’a pas vu venir, c’est que notre histoire fait qu’on a notre appellation depuis 85 ans. Donc on a vraiment une notoriété et nos clients nous faisaient confiance et on assurait nos ventes sans trop bouger en termes de positionnement produits puis de développement de nouveaux produits. Donc on s’en contentait. Et en fait, je pense qu’il fallait que l’on bouge un peu. Là, on est un peu obligé de bouger. Il faut savoir aussi que la récolte 2022, on a eu une forte concurrence des États-Unis qui n’ont pas pu expédier leur récolte 2021. Donc ils l’ont expédié en 2022 en faisant du dégagement, c’est à dire qu’ils se sont vraiment débarrassés de leurs noix. On ne peut pas dire autrement et ils ont vraiment cassé les prix. On se retrouve à des niveaux de prix qui sont inacceptables aujourd’hui.

Vous la vendez à quel prix la noix aujourd’hui ?

Alors aujourd’hui, pour l’instant, on va arriver sur la nouvelle récolte, donc on est un peu dans l’inconnu. La récolte passée, on tournait entre 1,10 euro et 1,50 euro maximum au lieu de 2 euro, 2,50 euro. Nos coûts de production sont entre 1,80 euro et 2 euros et on a des noix qui ont été vendues cette année entre 20 et 50 et 70 centimes Donc ça, c’est complètement inacceptable et c’est n’est pas tenable.

Il y a combien de producteurs de noix dans la Drôme ?

L’AOP, c’est 750 producteurs. Dans la Drôme, on en a à peu près 150.

Est-ce que certains d’entre eux sont menacés ?

À terme, oui. Si la situation perdure, Oui, on a déjà des gens qui viennent plus sur l’Isère ou des gens qui arrêtent carrément leur métier.

Ce sont des cas vraiment isolés ou est ce que c’est une vraie tendance ?

Il faut savoir que le monde agricole, on est très résilient, on fait un métier de passion, donc on tient jusqu’au bout. Donc les effets, des fois, se font avec des effets un peu retard, c’est à dire que la difficulté est très grande et la cessation intervient vraiment au dernier moment. On a des gens qui deviennent actifs, qui repartent travailler à l’extérieur, donc c’est assez dramatique. Et puis on a tous les gens qui ne sont pas spécialisés en droit. Ceux là, on en parle assez peu. Et bien des gens qui ont de l’élevage par exemple, ou d’autres cultures, souvent, c’est la noix. C’est ce que j’appellerais la béquille, c’est à dire que ça permettait de garder l’exploitation à flot et de pouvoir investir dans l’outil de travail et continuer à faire perdurer l’exploitation. Là aussi, ils sont en grande difficulté.

L’Association des producteurs du Sud-Est qui a été créée hier, ca va changer quoi finalement ?

Jusqu’à maintenant, on avait des structures comme l’interprofession qui gère l’AOP. On avait les chambres d’agriculture et quand il y avait un sujet qui touchait tous les nuciculteurs, tout le monde se renvoyait un peu la faute sur l’autre en disant « il y a une partie des producteurs qui ne sont pas concernés, donc on prend pas le sujet à bras le corps ». Là, au moins, on fait du transversal. Tous les producteurs seront concernés et on abordera tous les sujets qui touchent à la noix.

Le prix, notamment avec les distributeurs ?

Voilà, ça c’est l’effet déclencheur. En fait, le prix, parce qu’on a eu quand même, il faut le dire,  des comportements sur la saison 2022 qui ne sont pas acceptables. On a des différentiels de prix entre les négociants privés et les coopératives qui ne sont pas expliquées avec des gros différentiels de prix qui vont de 30 à 40 centimes. Donc, quand on ne gagne pas notre vie, c’est ce qui peut faire la bascule. D’autre part, cette association a aussi vocation à nous défendre et nous structurer nationalement. On est le deuxième verger quand même en France, derrière la pomme en surface, et on n’est pas structuré au niveau national, c’est à dire qu’on n’existe pas en fait. Quand, par exemple, on a des demandes de dérogation pour la mouche du brou, qui est un insecte qui nous embête beaucoup et qu’on n’a pas demandé à avoir, mais qu’on a quand même, qu’on demande des dérogations pour des produits en bio, on est obligés de passer par d’autres structures indirectement.

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